Al Moutmir booste le programme national de semis direct pour une agriculture plus résiliente face aux changements climatiques
2000 agriculteurs et agricultrices ont bénéficié de l’accompagnement du programme Al Moutmir de semis direct. Alors que l’année agricole touche à sa fin, agriculteurs, coopératives agricoles, chercheurs et ingénieurs agronomes du programme reviennent sur ce projet phare de l’OCP, qui œuvre pour une agriculture prospère et durable.Là d’où je viens, l’agriculture est une histoire de famille. À dix ans, j’aidais déjà mon père à labourer”, se rappelle Rachid Lagziri, 45 ans, agriculteur de la commune d’Aïn Dfali dans la province de Sidi Kacem et bénéficiaire du programme Al Moutmir de semis direct : “J’avais entendu parler de la technique de semis direct et de ses avantages. Malheureusement, je n’avais ni les outils nécessaires, ni l’expertise pour l’utiliser dans mon exploitation”. Président d’une association d’agriculteurs dans sa région natale, il nous explique que son sentiment était partagé par la majorité de ses adhérents. Sans se moir, et sans une connaissance profonde de la méthodologie d’application de la technique, la transition vers le semis direct n’était pas du tout envisageable pour eux. Les agriculteurs étaient dubitatifs vis-à-vis de cette nouveauté qui leur promettait des miracles au niveau du rendement après qu’ils ont connu plusieurs années de vaches maigres. “Certains de ces agriculteurs travaillent dans la terre depuis qu’ils ont ou vert les yeux sur le monde. Pour eux, personne ne peut connaître le sol de leur exploitation mieux qu’eux”, explique Rachid Lagziri, qui cumule une expérience de plus d’une trentaine d’années dans les champs. Hicham Daoui, exploitant et président de l’association Al Baraka pour le semis direct à Khouribga, estime que les agriculteurs de sa région préféraient le semis conventionnel au semis direct par ignorance des bienfaits de la technique, mais aussi “parce qu’ils perpétuaient à travers le semis conventionnel le savoir de leurs parents et grands-parents”. Pour lui, il n’est pas évident pour un agriculteur de changer radicalement de méthode de travail du jour au lendemain, au péril de voir partir en fumée toute une année de dur labeur mais également les traditions de ses aïeuls. Idem pour Abdelali Gumir, président de la coopérative d’Al Khair à Sidi Bennour. Ce dernier, réticent à la transition vers le semis direct, n’a changé d’avis qu’après avoir assisté à plusieurs séances de formation à cette technique organisées par l’équipe d’Al Moutmir. “Je devais être sûr de faire le bon choix. Grâce à Al Moutmir, j’ai pu être suivi et conseillé par un agronome expérimenté qui m’a beaucoup appris. Cela m’a permis de prendre une décision tout en étant informé”, note Abdelali Gumir. A l’approche de la période de la récolte, il constate déjà les résultats de la technique sur la production de son exploitation.
Le semis direct pourune agriculture plus résiliente face
aux changements climatiques
Mais qu’est-ce que le semis direct ? “Egalement appelé culture sans labour, le semis direct est une technique culturale qui nécessite un semoir et qui se fait en un seul passage. Le système semis direct fait référence à un système qui tente de se rapprocher de la nature. Par conséquent, on travaille moins le sol, on contrôle les mauvaises herbes et on laisse la chance aux cultures de se développer”, explique Houssine Mzouri, expatron de l’INRA de Settat et expert national dans le semis direct. Introduite au Maroc dans les années 1980, notamment par le ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts, et l’INRA, la technique du semis direct, pilier de l’agriculture de conservation, consiste à utiliser des semoirs adaptés avec zéro labour, préservant ainsi les sols et les stocks d’eau tout en contribuant au développement de la vie microbienne des sols. Selon Houssine Mzouri, en introduisant ce système, il est possible de protéger nos sols de l’érosion et de favoriser leur fertilisation en plus d’augmenter leur production et leur capacité à stocker de l’eau. Des avantages indéniables pour les sols du royaume, qui connaît un stress hydrique permanent. En plus d’améliorer la qualité des sols, il est possible, grâce au semis direct, d’augmenter la production par hectare et sa stabilisation dans le temps. “Grâce au semis direct, j’ai constaté que le rendement de mon exploitation était meilleur. Même si nous avons connu une année faible en pluies, j’ai eu une production bien plus importante que ce que m’a donné la partie de mon exploitation labourée de manière conventionnelle, 30 quintaux contre 12 par hectare dans la parcelle labourée avec la méthode de semis conventionnel”, se réjouit Rachid Lagziri. Youssef Youssefi, agriculteur dans la région d’El Jadida, est heureux des résultats du semis direct, particulièrement après avoir souffert de rendements faibles lors de la dernière campagne agricole, notamment à cause de la faible pluviométrie enregistrée. “A partir d’aujourd’hui, je ne travaille qu’en direct. Fini le labour ! 15 quintaux contre 4 par hectare dans la parcelle labourée en semis conentionnel”, déclare l’agriculteur. La technique a également le mérite de stabiliser la matière organique dans les sols. Selon Houssine Mzouri, le labour réalisé dans le cadre du semis conventionnel épuise les sols. D’ailleurs, les sols au Maroc ont une teneur en matière organique de moins de 2%. “Les normes internationales indiquent que lorsque la teneur des sols en matière organique est de moins 1,5%, cela veut dire que la désertification a commencé”, alerte le chercheur. Une problématique particulièrement importante pour le Maroc, qui fait face à ce fléau environnemental dans les zones de Doukkala, l’Oriental, Chichaoua et Rhamna.
direct tout en stimulant la cohésion
entre les petits agriculteurs
Introduite au Maroc dans lesannées 1980, notamment parle ministère de l’Agriculture,de la Pêche maritime, du Développement rural et desEaux et forêts, et l’INRA, la technique du semis direct apeiné à se généraliser au niveau national, selon HoussineMzouri. Ainsi, le chercheurpointe un retard régional duMaroc dans l’introduction dusemis direct en comparaisonavec l’Espagne, la France etd’autres pays de la Méditerranée ayant des sols similaires à ceux du royaume.Pour lui, l’initiative d’Al Moutmir est une aubaine pourl’agriculture au Maroc. “Jesuis l’initiative de l’OCP parcuriosité scientifique et pratique. Je trouve que c’est unebelle expérience car elle nousa permis de voir l’introductiondes machines auprès des petits agriculteurs en plus depermettre une organisation de la jeunesse rurale”, se félicite le chercheur.Selon lui, le morcellement dufoncier constitue un des freinsà la mécanisation de l’agriculture au Maroc. En privilégiantle travail avec les associationsagricoles et les coopératives,Al Moutmir a permis aux petits agriculteurs disposant deterrains à faible superficied’avoir accès à la machine. Aen croire l’ex-patron de l’INRAde Settat, ce mode de travaila fait émerger une cohésionet une solidarité entre lesagriculteurs : “Au lieu de dissimuler les techniques, ils lespartagent. Cela a permis deraviver des traditions longtemps révolues au sein de laruralité.” Fier de collaborer à augmenter la résilience de l’agriculture face aux changementsclimatiques, l’OCP agit en accélérateur de l’adoption decette technique par ses partenaires, et ce en appui auprogramme national initié parle ministère de l’Agriculture.
Le semis direct,levierclé du nouveaumodèle de
transitionagro-écologiquede
l’agriculture
Al Moutmir a ainsi mis à ladisposition des agriculteurs35 semoirs en plus d’un accompagnement scientifiquele long de la conduite technique des cultures. Le programme dénombre 2000 agriculteurs et agricultricesbénéficiaires, dans 76 communes territoriales au niveaude 18 provinces sur une superficie cultivée de 10 000hectares, avec plus de 99%en céréales et légumineuses.“A travers Al Moutmir, nousfournissons un accompagnement complet aux agriculteurs, notamment en réalisant des analyses du sol envue de déterminer leurs besoins spécifiques et limiterl’usage des engrais à outrance”, explique SamiraBarzouk, coordinatrice de larégion Nord du programmeAl Moutmir. Ce qui permettrait aux agriculteurs de fairedes économies. “D’après lesévaluations que j’ai réalisées, j’ai constaté qu’ils arrivent àréduire leur usage d’engraisde moitié après l’adoption dusemis direct”, dévoile SamiraBarzouk. “Le labour qui sefait en plusieurs étapes à lui seul coûte entre 900 et 1200dirhams par hectare, alorsqu’en semis direct un seulpassage du semoir sur laterre est suffisant et ne coûteque 200 dirhams”. “J’ai faitdes économies en termes dedépenses dédiées à l’achatdes semences sélectionnéeset j’ai également réduit lescharges dues aux travaux dusol et de préparation du lit desemis. Concrètement, j’ai puéconomiser plus de 1000 dirhams par hectare. Cela m’apermis de disposer d’argentpour investir en légumineuses de printemps (poischiches) que je viens de semer suite aux dernières précipitations”, témoigne RachidLagziri.“Grâce à nos ingénieurs agronomes, les agriculteurs bénéficient d’un suivi quotidiende leur exploitation et d’unprogramme de formation dudispositif itinérant Al Moutmir. Ils peuvent égalementconstater de visu les bénéfices du semis direct sur lesplateformes de démonstration”, explique SamiraBarzouk. Dans ces parcellesdémonstratives qui setrouvent sur le terrain del’agriculteur, l’ingénieur agronome suit une partie de sonexploitation. Ainsi, elle est divisée en deux parties : unepremière est suivie par l’agriculteur en utilisant lesmoyens traditionnels et la seconde par l’agriculteur et l’ingénieur agronome par l’installation d’un itinérairetechnique adéquat. “Le butdes plateformes de démonstration est de montrer àl’agriculteur, surtout le petit,l’efficacité des techniquespréconisées par l’agronomeà travers une comparaison du rendu. Ainsi, il peut juger,comparer et émettre desconclusions”, conclut SamiraBarzouki. Elle dévoile quemême si la période de récolten’a pas encore débuté danscertaines régions du Maroc,quelques exploitants ont déjàpu récolter les fruits d’unemoisson réussie. “Il y a déjàdes provinces où la récolte adéjà été faite, notammentSafi et quelques parcelles àSidi Kacem. On remarquequ’il y a une grande différence entre les parcelles ensemis direct et en semisconventionnel. Le nombred’agriculteurs voulant bénéficier du programme a également enregistré une netteaugmentation. Les agriculteurs réticents ont vu et entendu l’impact que cette technique pouvait avoir sur laproductivité de leurs sols”,conclut la coordinatrice duprogramme.
Une approche partenarialeet inclusive
Le programme de semis direct Al Moutmir a été penséet mis en œuvre dans le cadred’une approche participativefédérant plusieurs acteurs :associations et coopératives,experts scientifiques, expertsde l’agriculture de conservation, industriels... Les semoirs ont été mis à la disposition des coopératives qui sesont chargées de déployer leprogramme selon un cahierdes charges établi et en coordination avec les ingénieursagronomes Al Moutmir. Cettedynamique a impacté positivement la relation “agriculteur” et “communauté” et stimulé la prise de décisioncollective.